Land Rover Defender

On ne peul évidemment pas dire qu’il impressionne par la qualité de son profilage… Ce n’est certainement pas l’effet nouveauté qui pourrait séduire. Malgré tout, on ne voit que lui. Telle une mouche blanche dans le lait noir des embouteillages, le Land Rover attire les regards et les magnétise. Derrière les vitres anonymes des véhicules normaux, il y a le regard surpris ou envieux des autres automobilistes et celui, émerveillé, des gamins qui écarquillent les mirettes sur les hautes roues, les tôles plates, les phares ronds, et la roue de secours monumentale accrochée à la petite porte arrière. Soixante cinq ans que ça dure.

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Un véhicule intemporel

Oui, cette silhouette cubique est née en 1947. Et maintenant que la Volkswagen Coccinelle a disparu, le Defender est le doyen des véhicules en vente libre. Juste derrière la Morgan, autre survivante britannique. Amusé, l’homme au Land accueille ces hommages muets qui flattent sa vanité, si c’est par snobisme inverse qu’il a décidé de conduire en agglomération à bord de cet utilitaire. Et il n’en estime pas moins. Il sait ce qu’il lui en coûte en confort. Pas beaucoup de ses admirateurs supporteraient d’occuper le canapé passager plus de quelques kilomètres. Vous n’imaginez pas tout ce que cette machine peut ne pas faire pour vous… Ici, pas de sièges électriques, ni de volant réglable, ni de vitres teintées, ni de rétroviseurs électriques, ni de surtapis en vrais poils chimiques. Aucun de ces petits riens qui nous sont devenus nécessaires et dont le manque nous prend en défaut de fragilité et de dépendance. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes plus en 1947. Les essuies glaces ont plusieurs vitesses, les sièges sont dotés d’appuis tête, les ceintures sont à enrouleur, et il y a même des vitres électriques même si l’on en cherche longtemps les commandes, placées au milieu du tableau de bord. De même on tâtonne pour trouver l’interrupteur des phares : où l’on se rend compte qu’un commodo multifonction, en fin de compte, est un luxe récent. Notre exemplaire spécialement choyé, est doté d’une radio très correcte, avec des enceintes dans le compartiment arrière si par hasard il vous venait l’envie d’en faire un salon. Une bonne radio, cependant pas d’antenne subtilement noyée dans le pare brise, méthode XXIe siècle. Ici, on a droit à une tige chromée qui oscille sous le nez des passagers, agaçante comme un pompon. Mais de tout cela ce dégage un charme très spécial.

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Une rusticité authentique

L’homme au Land n’est pas snob du tout. Bonnement, il aime le tabac sans filtre, la bière sans faux col et sentir vivre les machines autour de lui, sans cette mauvaise graisse que le temps leur a donnée. C’est le levier de vitesses caoutchouté et le volant de plastique souple que l’on troquerait volontiers contre la commande en métal et la bakélite des vieux modèles. Finalement, c’est une voiture authentiquement rustique, pas une réplique. Et puis, il est nécessaire de bien se conformer aux règlementations qui interdisent les matériaux rigides au nom de la sécurité passive. Le tour du propriétaire est plus rapide à effectuer qu’à écrire. Il est temps de lâcher les rênes et d’aiguillonner ce destrier. Tôle nue, arêtes vives, dans ce cube froid comme une cellule de garde à vue en Alaska. Contact à main gauche, débrayage ferme et vertical genre vieux camion, première… c’est parti. Cette première apparait faite pour établir le o à 3 km/h. Il doit y avoir manière pour pousser un mur de bonne épaisseur sur ce rapport là. Pourtant, débuter en deuxième n’est pas la solution, elle est un peu longue pour ça. Peu importe, le Land avance, dans la rondeur d’un moteur plein de couple, confiant, mais qui ne vous épargne pas l’effondrement si vous tentez de le pousser à 4000 tours. Et les autres véhicules lui fon une haie d’honneur, s’écartant de ses goujons de roue saillants et de ses pare chocs menaçants. Au volant, l’homme redécouvre ses origines. Question d’angle de la colonne, sans doute. Cela dit, l’assistance est discrète et serviable. La première, si brutale de prime abord, sert en fait à « décoller » la voiture, sur le ralenti. Par la suite, un pédalage copieux néanmoins souple permet d’enchaîner les rapports et de monter en vitesse. C’est là que les oscillations suspension s’installent entre le véhicule et vous. Trépidations verticales, normal, et mouvements transversaux, autour du pont. Additionnés, tous ces trajets parasites doivent représenter un joli kilométrage.

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Une compacité surprenante

Plus haut en vitesse, sur bon revêtement, on va finir par atteindre une plage plus calme, où les mouvements se stabilisent. Demeure le ronronnement du moteur, bien présent cependant sur une cadence vraiment supportable. Découverte : c’est une boîte à 6 vitesses. La sixième, sincèrement surmultipliée, manque d’endurance et un faux plat exige la cinquième. Avec un soupçon de méchanceté, on oserait exprimer que l’on à faire à une boîte 1+4+1. Mais nous avons tendance à recevoir avec bonne humeur ces anomalies qui dépaysent. En ville, sa compacité surprend. Cette grosse machine a tout d’une petite : 3,89 m de longueur. Vous pouvez chercher, même une Clio est plus imposante ! Et de 17 cm. Par contre, sur route, cette compacité lui joue des tours dès que l’on aborde le chapitre dynamique. Bien sûr, le poids est notamment en baisse, les roues sont larges et motrices et les vitesses atteintes ne vous menacent pas tout de suite de satellisation. Mais mieux vaut tâter l’adhérence du crampon pour ensuite se risquer à plonger à la corde avec plus d’audace. Le motif d’être du Land c’est certainement hors du bitume que vous la trouverez. Aucune assistance électronique pour vous mâcher le travail de franchissement. Vous savez faire ou non l le Land, lui, sait. Moyennant un basculement en rapports courts, la première peut se voir opposer un mur double épaisseur. Et si quelque ronce venait à écorcher la peinture neuve ? Le Land accueillera ces blessures nobles comme autant de décorations, au sens militaire du terme.